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Cabinet d'avocats Carnot Juris - Tourcoing - Lille

La médiation en droit du travail ; ça marche !

Publié le : 29/05/2015 29 mai mai 05 2015

A l'heure où Benoît HAMON souhaite que le burn-out soit reconnu comme maladie professionnelle, syndrome qui touche près de 3 millions de salariés en France, il n'est pas inutile de se pencher sur la prévention et la guérison de ce fléau social.

A l'heure où le projet de Loi dit MACRON prend acte des faiblesses de la juridiction prud'homale au motif qu'elle serait désormais inapte à traiter correctement le contentieux du travail, il est temps de se pencher sur les modes alternatifs de règlement des différends en droit social.

En effet le constat est fait que ce n'est pas directement la juridiction prud'homale qui est en cause, c'est plutôt la façon dont sont traités les conflits en entreprise et plus particulièrement les conflits entre salarié et employeur.

La justice, qu'elle soit prud'homale ou autre, n'est pas outillée ni formée à prendre en compte les origines des conflits en entreprise, qu'il s'agisse des origines psychologiques ou organisationnelles tels que la distribution du travail, les responsabilités et les ressources, le système de récompenses appliqué dans l'entreprise et les origines sociales et culturelles.
Les principales causes de conflit sont souvent entre les individus concernant le pouvoir ou la fonction.

Il existe pourtant des indicateurs de conflit et des signes avant-coureurs, tels que les absences et retards répétés, les erreurs et maladresses, des résultats en baisse, des comportements blâmeurs ou ironiques ou amers en réunion, les bonnes humeurs rares, des attitudes fermées, des transgressions des règles, des attitudes de non coopération, l'exclusion, la marginalisation, les rumeurs, etc...

L'analyse de l'escalade du conflit passe par une première phase, à savoir la détérioration de la perception de l'autre et la distorsion dans la communication.
La deuxième phase concerne l'accentuation de la coercition, à savoir comment forcer l'autre à agir ou à s'abstenir.

Or il y a une possibilité de gérer préventivement le conflit en entreprise, en analysant l'escalade du conflit et les différentes stratégies pour régler le conflit.
Les stratégies individuelles de résolution des conflits concernent le pouvoir (le recadrage), le droit (la règle), l'évitement, le gain de temps, l'affrontement urgent, la manipulation et enfin le réalisme, à savoir la négociation.

Les modes de règlement amiable dans l'entreprise tels que l'arbitrage, la négociation, le recadrage, la médiation et la conciliation sont des outils qui permettent de prévenir et gérer les conflits en entreprise et tout particulièrement la médiation qui est un outil privilégié qui a fait ses preuves.

Ce processus structuré, qu'il soit judiciaire ou conventionnel, repose sur la responsabilité et l'autonomie des participants qui, volontairement avec l'aide d'un tiers neutre, impartial, indépendant et sans pouvoir décisionnel ou consultatif, favorisent par des entretiens confidentiels l'établissement ou le rétablissement des liens, la prévention ou le règlement des conflits.

Il a pour objectif de rétablir une communication entre des personnes physiques ou des personnes morales, les parties s'engageant à l'écoute, le respect et l'ouverture.

C'est malheureusement ce qui manque le plus souvent dans le cadre de la gestion des relations au sein de l'entreprise.

La face immergée de l'iceberg est le litige et c'est le conflit qui doit être résolu et qui est soumis à la médiation.

Lorsque le conflit est résolu, il n'existe plus de litige et donc plus la nécessité de confier la distorsion et la perturbation de la communication à un Tribunal.

Si les conflits du travail créent autant de perturbations, c'est que le travail participe de façon majeure à l'identité sociale de l'individu qui construit souvent son identité au travers de la reconnaissance ou de l'absence de reconnaissance qu'il reçoit dans le cadre de son travail.

Lorsque dans le cadre du travail le contexte est vécu comme hostile, cela entraîne soit l'exclusion, soit la confrontation et donc des procès mal vécus par les deux parties.

Entre une atteinte directe à l'image, par exemple un licenciement pour incompétence d'un salarié ayant donné satisfaction pendant 20 ans et qui a construit son image autour de sa conscience professionnelle, et un conflit d'intérêt économique sur des positionnements de filiales étrangères, il semble n'y avoir que peu de rapport mais le sentiment d'hostilité est le même, tout conflit prenant vraisemblablement naissance dans une blessure narcissique.

Dans ce contexte, il est évident que la justice traditionnelle a du mal à trouver une solution adaptée en toutes circonstances.

Contrairement à une idée reçue, les Conseils de Prud'hommes ne sont pas qu'une arène pour la lutte des classes.

En fait dans la pratique quotidienne de la prud'homie cela ne se ressent que fort peu.
Par contre, ce qui revient régulièrement c'est la permanence des problématiques de fierté, de reconnaissance, des individus mais également la souffrance de la non prise en compte des émotions souvent violentes.

Or, le travail contribue au développement de la personnalité et donne un sens à la vie, ce qui permet à la personne de mobiliser tout son être pour tendre vers la perfection de sa tâche.

Lorsque la hiérarchie ne la reconnaît pas, c'est le début du stress et de la souffrance au travail, car les efforts fournis n'ont pas eu leur récompense.
Le résultat est la dévalorisation de l'individu qui peut aller jusqu'à sa destruction, car c'est par le regard de l'autre que grandit ou meurt l'estime de soi.

Or dans la quasi-totalité des cas, le Juge ne va octroyer à celui qui se sent blessé qu'une compensation financière, ce qui ne lui permet pas de se reconstruire.
Pour qu'il puisse retrouver un sens à sa vie et sa capacité d'agir, celui qui a perdu une partie de son identité doit pouvoir dire ce qu'il a vécu et malheureusement la réponse judiciaire ne peut lui donner cet espace de parole.

Ce constat explique et justifie le rôle très important de la médiation dans le processus des conflits sociaux.

Les Prud'hommes ou le Juge au niveau de la Cour d'Appel sont là pour dire la Loi, pour dire qui a tort et qui a raison, par pour rendre sa noblesse à une personne blessée qu'elle soit salariée ou l'employeur dans certaines circonstances.

Le médiateur peut épauler et compléter le travail des Juges.
Techniquement la médiation peut prendre sa place à tout moment, avant, pendant et même après l'instance voire prévenir une dégénération du conflit.

Certes les Prud'hommes peuvent détecter lors de la conciliation si une affaire relève de la médiation ou non, mais encore faut-il que les Avocats le leur suggère et leur rôle à ce niveau est essentiel.

De plus en plus de Cours d'Appel s'en sont rendu compte et proposent des médiations même le jour de l'audience des plaidoiries comme devant la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de PARIS.

A GRENOBLE, il existe un tri systématique des dossiers retenus pour les séances de propositions de médiation qui se fait sur plusieurs critères :
  • l'ancienneté des relations avec l'entreprise,
  • l'existence ou non de relations familiales dans l'affaire,
  • le soupçon de harcèlement ou de stress au travail
Bref tous les cas où les émotions peuvent être prédominantes.
S'il y a bien des affaires où le droit doit être dit, il n'en reste pas moins qu'il sera mieux compris s'il y a eu un espace où chacun des protagonistes a pu se dire et a pu être entendu.

Certes pour les Magistrats il est difficile de déterminer si la médiation est la solution, car il est difficile de savoir quel conflit se cache derrière chaque litige.

Le médiateur qui exerce en droit social constate la plupart du temps que le but est de cicatriser la ou les blessures narcissiques et de restaurer la dignité de ceux qui s'opposent.

Le médiateur peut aider à ce processus de cicatrisation et les avocats qui accompagnent les médiés ont tout intérêt à comprendre ce processus pour aider à l'aboutissement de la solution.

Le rôle du médiateur est de tenter de restituer ou de reconstruire une image acceptable si ce n'est valorisante de chaque protagoniste, de faire en sorte que l'image renvoyée par l'adversaire ne soit pas un obstacle au maintien ou à la reconstruction d'une inclusion sociale acceptable.
Et ça marche !

Christine SEGARD-DELEPLANQUE

Historique

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